Aeroplans - Embraer ERJ-145Alors que tout le monde rêve encore de la Chine et de ses débouchées commerciales hors du commun, l’avionneur brésilien démontre des limites de la stratégie occidentale dans l'Empire du Milieu.

Inaugurée en 2003 à Harbin, l’usine chinoise d’Embraer fabricant des ERJ-145 tourne aujourd’hui au ralenti. Confrontée au manque de débouchés commerciaux pour ce modèle et aux ambitions nationalistes de Pékin, le constructeur envisage désormais de fermer son site de production en 2011.

Un sacré revers d’autant plus que la responsabilité de ce fiasco peut être portée à la Comac, cette nouvelle entité gouvernementale qui chapote tout ce qui touche à l’aéronautique civil dans le pays.

 

 

 

La fin de l’usine d’Harbin.Aeroplans - Embraer ERJ-190

Depuis 2003, seulement trente-trois exemplaires de l’ERJ-145 sont sortis de l’usine d’Harbin. Avec un seul client restant sur ses carnets, Embraer doit encore livrer huit appareils à Hainan Airlines, qui n’est officiellement pas pressée de les réceptionner. Du coup, l’avionneur brésilien souhaiterait reconvertir ses installations pour assembler des ERJ-170 et ERJ-190.

Or, du côté chinois, un tel arrangement n’est pas du tout dans la liste des priorités. Pour Pékin, l’objectif prioritaire est de devenir le plus indépendant possible au travers de l’ARJ-21 et du futur C919. Nous parlons régulièrement sur nos pages de l’appétit chinois pour une indépendance aéronautique. Aujourd’hui, Embraer pourrait être l’illustration des craintes de certains observateurs qui voient la Chine devenir indépendante au détriment des belles stratégies occidentales qui offrent leurs technologies sur un plateau d'argent.

Pourtant, du côté d'Embraer, ont est officiellement conscient des risques liés au marché chinois. Des risques jugés sous contrôle. A noter que le même son de cloche peut être entendu chez Airbus ou Snecma, pour ne citer que des entreprises françaises. Or, on voit bien que malgré une certaine confiance en soi et en la supériorité technologique des produits occidentaux, il existe d’autres variantes qui font de la Chine un des marchés les plus risqués de la planète. Aujourd’hui, Embraer ne semble pas en mesure d’opérer un lobbying efficace auprès de la Comac. Si pour le moment il ne s’agit que de ce site de production, la bienveillance chinoise envers les entreprises étrangères semble être remise en cause, si elle a jamais existé.

Aeroplans - Embraer ERJ-170Cependant, Embraer n’essuie pas que des revers en Chine. Alors que Pékin s’intéresse de plus en plus au fleuron de l’aéronautique mondiale pour satisfaire ses ambitions dans le secteur, elle est consciente des difficultés financières des avionneurs. Ainsi, le Brésilien vient de conclure un accord avec CDB Leasing Co (CLC) pour faciliter l’achat d’avions brésiliens en Chine. La compagnie de leasing appartient d’ailleurs à la China Development Bank qui a bien identifié les bénéfices qu’elle peut tirer de telles opérations. Un bon moyen de fidélisation pour Pékin vis-à-vis d’Embraer. Ce MoU pourrait avoisiner les 2,2Md$ et concernerait donc l’aviation commerciale et d’affaire. Le constructeur brésilien s’attend à une reprise de ses commandes pour cette année alors que le volume de ses exportations avait subit la crise de plein fouet.

 

Un changement dans les mentalités européennes qui sera encore long

En Chine, l’industrie aéronautique occidentale, et donc européenne, Aeroplans - Comac ARJ-21n’est pas dans un rapport du fort au faible, mais bel et bien du faible au fort. Surtout face à la puissance hégémonique et économique en devenir qu’est la Chine.

Mais cela ne signifie pas que David doit plier devant Goliath. Par contre cela nécessite une réflexion et une démarche d’intelligence économique bien plus poussée que ce dont les Européens ont actuellement l’habitude. Face aux alarmes affirmant que les Chinois produisent ce dont ils ont besoin, il est habituellement répondu que ce ne sont que des professionnels de la copie.

Si cette affirmation n’est pas erronée, Pékin a pris conscience de l’effet de cannibalisation des entreprises chinoises et entre petit à petit dans le jeu mondial, avec toutes les règles qu'il implique. De plus, le marché chinois, qui n’hésite pas à parler de patriotisme économique alors que c’est encore un gros mot en France, n’a aucun complexe a favoriser des avions made in China, même s’ils sont bien moins aboutis que les fleurons de l’industrie européenne.

Michael Colaone