Si la bête n'est encore qu'une maquette, nul doute qu'elle sera aggressive. Le futur gros porteur de l'avionneur public chinois AVIC n'est que le premier du genre, mais il ambitionne déjà de rivaliser avec Airbus et Boeing.
Presenté à Hong Kong début septembre, le C919 devrait être opérationnel en 2014. Début de ce qui pourrait être une longue série, les Chinois estiment qu'ils seront notamment en mesure de dévoiler leurs recherches sur leurs propres moteurs d'ici 2016.
Alors que le monde s'était habitué au match Airbus contre Boeing, voici qu'un troisième compétiteur pourrait faire irruption sur ce marché symbolique. Jusqu'ici, même les Russes ne s'étaient pas aventurés sur ce terrain.
Le C919 jouira en tout cas d'un marché intérieur fort. La Chine aurait besoin d'environ 3 800 avions d'ici 2028 grâce à un quadruplement de sa flotte passagers et à une multiplication par neuf du nombre d'avions de fret. Le marché est evalué entre 400 et 500 milliards de dollars suivant les sources. Fin 2008, la Chine comptait 1 191 appareils de transport de passagers.
C pour Chine ou pour Comac (Commercial Aircraft Corporation of China), à vous de voir, le futur avion gros porteur chinois fait parler de lui. Alors que l'on espérait que l'industrie aéronautique chinoise était sous contrôle, il semblerait que la stratégie de Pékin porte ses fruits.
Patients et determinés, les Chinois apprennent depuis des années dans les meilleurs centres de formation occidentaux et voient les chaînes d'assemblages se multiplier sur leur propre territoire.
Après des avions de classe plus modeste tel que l'ARJ21 (le premier avion régional commercial chinois, de 70 places), la Chine présente un avion de 190 sièges. Si le premier 9 fait référence au symbole chinois de la longévité, le 19 représente quant à lui ses 190 sièges (compris en réalité entre 168 et 190). Tout un programme.
En 2016, Pékin pourrait même dévoiler son premier moteur pour cet avion de ligne. Selon Chine Nouvelle, citant l'entreprise AVIC Commercial Aircraft Engine "la Chine prévoit de finir les recherches sur son premier moteur pour avions gros porteurs en 2016 et de commencer à faire une demande de certification auprès des autorités aériennes chinoises".
Une date suffisante alors que le boom de l'avion chinoise est attendue jusqu'en 2028. Si la Chine pouvait, grâce à ses recherches, commercialiser un appareil de conception chinoise avec ses propres moteurs, nul doute que cela serait un succès auprès des avionneurs locaux. En attendant, Safran est sur les rangs pour équiper l'avion avant cela. L'équipementier peut faire jouer sa longue expérience et son savoir faire acquis sur les A320, modèle d'Airbus directement visé par le C919 (en plus de B737).
La Comac devrait annoncer le "vainqueur" d'ici la fin de cette année alors que le marché des équipements de l'avion est estimé à 200 milliards de dollars d'ici 2050. L'histoire ne dit pas encore si cela prend en compte l'arrivée d'un moteur 100% chinois.
En attendant, les Occidentaux proposent ce qu'ils ont de mieux. La Comac a déjà reçu les offres des fabricants de réacteurs et de nacelles de moteur. Safran, associé à son partenaire General Electric (GE) au sein de l'entreprise CFM International, a proposé son Leap-X soit, le successeur annoncé du CFM56 pour concurrencer les moteurs des autres géants Rolls-Royce ou Pratt & Whitney.
Pour Safran, l'affaire s'annonce tout de même serrée, malgré un soutien politique récent. Si les Américains avaient raflé la plupart des contrats sous-jacents à la mise en service de l'ARJ21, Safran ne fournissait que le système de pilotage.
Cette fois-ci, le groupe francais veut mettre toutes les chances de son côté. Safran, qui a déjà établi quatre sociétés communes de fabrication de composants dans le pays, a signé fin septembre deux accords-cadres portant sur le développement de trains d'atterrissage, de freins et de nacelles avec Avic Aircraft, une filiale du tout-puissant holding d'Etat Avic, qui contrôle l'industrie aéronautique du pays et détient 20 % de la Comac.
"Ici, les partenariats avec les industriels locaux sont très importants", rappelle Jean-Paul Herteman, CEO de la branche Défense et Sécurite de Safran. Ceci, tout en reconnaissant que la plupart de ses concurrents étrangers ont adopté une même stratégie de rapprochement (source LesEchos). Au risque de nous répéter, la stratégie paraît risquée même si les bénéfices sur le court terme existent bel et bien.
"Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir en comparaison avec ces "superpuissances" de l'industrie aéronautique, telle que les Etats-Unis", a déclaré Wang Wenbin, directeur général adjoint de Comac comme pour calmer le jeu. Le projet C919 constituera "un symbole de la modernisation globale" de la Chine, qui jusqu'à récemment, s'était concentrée sur le développement de sa technologie aéronautique militaire.
Un developpement timidement critiqué par la Russie ou l'Europe, alors que les copies vont bon train. Le nouvel appareil qui offrira, selon les versions, entre 168 et 190 places, doit effectuer son vol inaugural en 2014 avant d'être livré dès 2016, a ajouté M. Wang. Ce dernier a également annoncé que la Comac avait reçu commande de 208 ARJ21.
Pas de panique en tout cas du côté européen. Peut-être plus du côté de chez Bombardier ou Embraer, puisque l'ARJ est un de leur concurrent direct. Airbus continue quant a lui d'installer ses usines de production et d'assemblage dans le pays alors que Boeing s'y refuse. Pendant ce temps, la Chine passe de plus en plus librement à la vitesse supérieure. Apres s'être cantonnée à la réalisation de tâches subalternes, le C919 est ajourd'hui le symbole d'une Chine que les Occidentaux ont peut-être eux-mêmes transformé en prédateur.
MC.