En juillet de cette année, Sichuan Airlines recevra le premier Airbus construit entièrement en dehors d'Europe. Première compagnie mondiale à recevoir un de ces appareils made in China, elle ne sera pas la dernière puisque les usines de Tianjin tournent à plein régime et produisent des A320 bientôt livrables. Après l'annonce de cette livraison nous ne savons pas s'il faut se réjouir du succès commercial de l'avionneur européen ou s'inquiéter des futures répercutions que pourrait avoir une telle implantation. La question est pourtant importante compte tenu de la menace potentielle ainsi que du marché que la Chine représente.
C'est vrai qu'Airbus n'a pas dut avoir une marge de manœuvre extrêmement large sur le marché chinois qu'elle a introduit en 1985. D'une manière générale, c'est vrai qu'en Chine soit l'on fait ce que l'on nous dit soit l'on se retire d'un marché d'1.5 milliards de personnes. L'implantation de ces usines de production d'A320 à Tianjin doit certainement répondre à cette observation faite dans différentes industries. Produire des avions avec le risque que les chinois les copient directement est peut-être un moindre mal si l'on considère que de toute façon des copies de l'avion d'Airbus auraient de toute façon volées tôt ou tard dans la région. Un moindre mal donc d'autant plus que le modèle A320 arrive en fin de carrière en Europe et sera prochainement remplacé dans les lignes de production. La question qui nous anime donc est de savoir si Airbus veille bien à protéger ses connaissances essentielles pour garder son avance technologique, objet de toutes les convoitises en Chine.
La Chine a aujourd'hui très clairement affichée son désir de devenir un constructeur fiable d'avions de ligne. Nous vous avions déjà parlé de l'ARJ21 précédemment sur Aeroplans. Et une des clés que se dispute Airbus et Boeing (pour ne parler que d'eux) est bien de savoir lequel des deux partagera le plus ses technologies. Et, force est de constater que pour engranger des profits à court terme (plus tellements évidents compte tenu des cours du dollar par exemple), les européens jouent cette carte à fond. Même les plus grandes écoles d'ingénieurs aéronautiques françaises (Isae, Ensma, Enac, Ipsa) forment aujourd'hui la future force de frappe chinoise. Si la loyauté des ingénieurs européens n'est pas indéfectible, celle des chinois l'est beaucoup plus et ces jeunes gens finiront certainement par revenir au pays chargé du savoir européen. On comprend bien la volonté chinoise de former ses futures cadres mais qu'en est-il de la volonté européenne de former la future concurrence ?
Le dernier élément à nous avoir mis la puce à l'oreille est tombé en ce début de mois de février. En effet, Airbus a annoncé que la Chine ne se contentera pas d'assembler des A320 mais, d'ici 2010 elle produira des éléments qui constituent justement ce précieux avantage technologique dont nous parlions plus haut. Un accord avec plusieurs entreprises chinoises va amener à la production de pièces en matériaux composite pour l'A320 mais aussi pour le programme A350 XWB qu'Airbus veut produire à 5% dans l'empire du milieu. La joint-venture avec les chinois s'installera à Harbin et les partenaires chinois en course sont Harbin Aircraft Industry Group Company Limited (HAIG), Hafei Aviation Industry Company Limited (HAI), Avichina Industry & Technology Company Limited (AVICHINA) et Harbin Development Zone Heli Infrastructure Development Company Limited (HELI). Compte tenu des problèmes que les grands groupes occidentaux rencontrent suite au non respect des accords avec les entreprises chinoises et les ambitions du parti communiste, comment Airbus pense être couvert par cette nouvelle joint-venture ? La stratégie d'Airbus dans un pays comme la Chine ne semble pas prendre en compte beaucoup d'aspects primordiaux pour le futur de l'avionneur et inquiète les observateurs que nous sommes.