Bien que le programme spatial chinois ait démarré assez tôt - la République populaire a lancé son premier satellite en avril 1970 - il est longtemps resté relativement marginal. Tout changea au début des années 1990, quand le Parti communiste fit de l'Espace une priorité nationale.
De nombreux progrès ont été faits en achetant des technologies au voisin russe, qui sombrait alors dans un état de déliquescence dont on ne voyait pas l'extrémité. La partie la plus visible des ambitions chinoises est sans conteste le programme Shenzhou, qui a permit à ce jour d'effectuer trois vols habités avec des vaisseaux russes Soyouz modifiés, faisant de la Chine la troisième nation à maîtriser l'envoi de cosmonautes - ou yuhangyuans - en orbite.
Depuis, les responsables politiques chinois n'en finissent pas de promettre au monde qu'ils lanceront bientôt de gigantesques stations orbitales, et qu'ils enverront des hommes fouler les cratères lunaires et les dunes martiennes.
Il est peu vraisemblable que les Chinois aient les moyens technologiques de toutes ces prouesses, et il semble encore moins probable qu'ils en aient l'envie. Envoyer au compte goutte une poignée de héros dans l'Espace est une opération médiatique certes très efficace, mais qui au fond n'a pas grand intérêt.
Technologiquement, tout d'abord, le vaisseau Shenzhou étant essentiellement un Soyouz construit sous licence, il n'y a pas de réelle avancée de l'industrie chinoise. On peut affirmer, sans faire dans le chauvinisme, que l'Europe a beaucoup plus gagné en développant par elle-même un ravitailleur ATV à la pointe de la technologie mondiale.
Ensuite, sur le plan scientifique, il est évident que des vols de courtes durées d'un petit vaisseau comme Shenzhou n'ont pas grand intérêt pour les chercheurs. Beaucoup contestent déjà l'utilité de la Station Spatiale Internationale, pourtant beaucoup plus grande et disponible 365 jours par an !
Au vu de ces arguments, on serait tenté de croire que les politiques spatiales européennes ont bien raison d'être timorées en matière de vols habités. Et pourtant, n'y a-t-il pas quelques leçons à tirer de ces gesticulations chinoises ?
Les shows médiatique de Shenzhou ont permit aux citoyens de l'Empire communiste de voir un des leurs agiter un drapeau rouge au dessus de la planète. Est-ce vraiment inutile ? Sans entrer dans une discussion qui dépasserait largement le cadre de ce blog, on peut se demander si l'Europe n'aurait pas besoin de ce genre de catalyseur, à la fois pour s'affirmer politiquement sur la scène internationale et pour créer le sentiment de cohésion et de fierté qui manque aux « citoyens européens ».
De plus, la stratégie chinoise, qui consiste à tout miser sur la technologie russe, n'est pas une voie obligée pour nous autres Européens. Alors que la Chine est partie de rien, l'Europe dispose d'Ariane 5, de l'ATV, du Centre Spatial Guyanais et de l'expérience de nombreux cosmonautes qui ont déjà pris part à des missions internationales.
Pour un investissement équivalent en ordre de grandeur à celui qu'ont concédé les dirigeants chinois, nous pourrions non seulement nous remettre à niveau, mais même faire beaucoup mieux, car une version habitable du « Jules Verne » aurait des capacités largement supérieures au Shenzhou.
Nous ne pouvons que vivement conseiller à nos responsables politiques de suivre l'exemple chinois, tout en prenant soin d'éviter la voie qu'ils ont choisie. Cela redonnerait enfin à la « vieille Europe » la place qu'elle mérite dans la communauté des puissances spatiales.