Le 20 avril dernier, le Ministère italien de la Défense a réceptionné son nouveau satellite de télécommunications sécurisées, Sicral-1B. Equipé de transpondeurs en UHF, SHF et EHF, il sera très utile aux forces italiennes et à certains autres pays otaniens.
Le satellite a été construit en Europe par Thales Alenia Space et Telespazio, mais c'est au sommet d'un lanceur russo-ukrainien Zenit-3 qu'il a gagné sa position orbitale géostationnaire.
Le lancement était effectué dans le cadre d'un contrat avec l'opérateur Sea Launch, basé aux Etats-Unis. Le seul précédent est celui des satellites militaires allemands SAR-Lupe qui avaient été lancés par des fusées russes Cosmos-3M (cinq vols). Même les Anglais utilisent Ariane pour envoyer en orbite leurs satellites Skynet !
Une trahison italienne ?
Alors comment en est-on arrivé là ? Dans le cas des SAR-Lupe allemands, la motivation était compréhensible, car il s'agissait de trouver un lanceur adapté à la masse des satellites, qui étaient extrêmement légers et donc inadaptés à Ariane 5. Mais ce n'est pas le cas pour Sicral, qui paraît parfaitement dimensionné pour le lanceur européen dans une configuration de lancement double.
Etant donné l'importance de la participation italienne au programme Ariane, on peut s'étonner d'un tel choix. Confier un satellite, de surcroit militaire, à l'un des deux principaux concurrents d'Arianespace, ne paraît en effet pas très fair-play.
Manque de compétitivité européen
Mais voilà, pour les militaires italiens, ce lancement était un véritable casse-tête. Bien sûr que la première option envisagée était Ariane 5. Mais, comme on l'a dit, Sicral aurait été lancé en compagnie d'un autre passager commercial, qui aurait visé une orbite différente.
Comme le deuxième étage d'Ariane, l'étage supérieur cryotechnique de type A (ESC-A), n'est pas réallumable, tout ce qu'il emporte se retrouve nécessairement sur la même orbite. Chaque passager doit ensuite utiliser ses propres moteurs pour rejoindre l'orbite qu'il souhaite.
Et Sicral-1B ne disposant pas de réservoirs très conséquents, sa durée de vie aurait été réduite à seulement dix ans.
Jean-Yves Le Gall s'était pourtant engagé corps et âme pour gagner ce contrat, allant jusqu'à promettre un coût largement réduit pour ce lancement. Il demandait à l'Italie de sacrifier quelques années de vie de son satellite afin d'envoyer le signe qu'elle soutenait politiquement le programme Ariane et l'industrie européenne.
Une étude a bien été réalisée en Italie. Elle a montré que l'adaptation à un tir double sur Ariane nécessiterait de repenser toute une partie du satellite, ce qui apporterait surcoûts et augmentation du risque.
Et c'est ainsi que le consortium Sea Launch l'a finalement remporté.
Cette affaire met une fois de plus en lumière le besoin urgent de développer le nouvel étage supérieur d'Ariane 5, l'ESC-B. Celui-ci, outre sa capacité d'envoyer douze tonnes en orbite de transfert géostationnaire, serait réallumable, ce permettrait aux différents passagers d'être placés sur des orbites distinctes.
Rappelons que les lanceurs Zenit et Proton utilisent cette technologie depuis plusieurs décennies. Dans ce domaine, il ne s'agit donc pas de conserver une avance, mais de combler un retard dont les conséquences se feront de plus en plus sentir.