Mardi dernier, la Russie a procédé au lancement de trois nouveaux satellites de navigation GLONASS-M, portant leur nombre en orbite à vingt-trois ! Plus qu'un, et la quantité pour que la constellation soit pleinement opérationnelle sera atteinte...
Et ce n'est pas tout : d'ici à la fin de l'année, un lanceur Proton emportera le premier prototype de la nouvelle génération de satellites, GLONASS-K. Petit bémol : même après le tir de mardi, il manque encore des satellites dans deux des trois plans orbitaix de la constellation, et il faudra donc encore deux lancements pour qu'elle devienne opérationnelle à 100%.
2010 sera donc l'année où la Russie sera en mesure de proposer au monde entier un service équivalent à celui du GPS américain, qui équipe désormais bon nombre de nos véhicules.
L'histoire de GLONASS est pourtant tumultueuse. Décidé en 1976, justement en réponse au projet américain de GPS, il n'atteindra un stade opérationnel qu'en 1995, mais il le perdra dès 1996 car les militaires russes n'ont pas les moyens financiers pour maintenir la cadence de renouvellement.
Car GLONASS, tout comme GPS, est bel et bien un programme militaire. Ses applications premières sont le guidage de navires, d'aéronefs et de munitions aéroportées dans le cadre d'opérations de guerres, et non le repérage des Lada Niva sur le périphérique de Moscou !
Pourtant, en 1994, les Russes avaient pensé à étendre son utilisation au monde civil. Mais l'idée est arrivée trop tôt : à cette époque, en Russie plus qu'ailleurs, l'industrie électronique n'était pas capable de produire des récepteurs adaptés en grande quantité. Les temps ont maintenant bien changé !
Au début des années 2000, le Président Vladimir Poutine a fait de GLONASS une priorité nationale, doté d'un budget indépendant du programme spatial fédéral (FKP) et en constante augmentation depuis, de l'ordre de 450M$ par an. Ces fonds ont permis d'assurer au moins un lancement par an et de développer la nouvelle génération GLONASS-K.
Ainsi, les premiers récepteurs à usage civil ont pu être lancés en production. Aujourd'hui, plusieurs récepteurs « GPS » de grands constructeurs occidentaux fonctionnent en réalité en parallèle avec GPS et GLONASS. Du côté militaire, la situation est à peu près la même, les forces armées russes étant équipées de systèmes mixtes.
Le grand partenaire de la Russie sur GLONASS, comme sur de nombreux autres projets, est bien sûr l'Inde. Il fut un temps où le sous-continent voulait participer au programme européen GALILEO, mais contrairement au voisin chinois, il avait estimé que la protection du signal militaire n'était pas suffisamment fiable. Il n'en fallait pas plus à Moscou pour se jeter sur la proie et faire de l'Inde un Etat coopérant privilégié. Le lancement de deux satellites GLONASS par une fusée indienne GSLV fut même envisagé, mais il semble que ce projet soit au point mort.
Rappelons que le système équivalent de l'Europe, GALILEO, ne sera opérationnel qu'en 2014, si tout va bien. D'ici là, GLONASS aura eu le temps de pénétrer le marché en profondeur aux côtés du GPS III américain.
Nicolas Pillet.