Aeroplans - GALILEOLe programme de géolocalisation par satellite européen GALILEO verra-t-il enfin le jour ? Aura-t-il autant d’utilité avec le temps qui passe ? Voici deux questions qui vont commencer à germer, même dans les esprits les plus optimistes. De confrontations en confrontations, la future constellation de satellites voit son futur de plus en plus incertain au fil des années.

Même si, récemment, le contrat de construction des quatorze premiers engins spatiaux fut enfin attribué à une entreprise allemande, OHB, les opportunités commerciales s’envolent à grande vitesse et les concurrents occupent de plus en plus de terrain. Si GPS, GLONASS et COMPASS ont du pain sur la planche et vont sûrement s’affronter avec avidité, GALILEO aura toutes les chances de vivre une vie tranquille en arrivant après la bataille.

 

 

"Pas avant 2015, au mieux". C’est ce que la commission européenne prévoit pour le début de l’exploitation de GALILEO. La constellation qui devrait être alors munie de dix-huit satellites n’enverra qu’un signal partiel. Il faudra ensuite attendre au moins trois ans pour obtenir un système de géolocalisation à l'échelle mondiale. D’ici là, la modernisation du GPS américain, qui pourtant était annoncée comme une véritable opportunité pour les Européens, aura fait de grands pas. Si l’USAF a pris conscience du problème un peu tard, le programme de mise à niveau avance déjà. Surtout, les Américains ne vont pas avoir à faire face aux tensions diplomatiques qui vont encore bousculer GALILEO.

En effet, en attribuant le contrat pour la réalisation de la première tranche de satellites à une entreprise allemande, la Commission s’expose à de multiples critiques, notamment de la part de la France. Certains pensent déjà que les prix ont été cassés par OHB, et que ce contrat pourrait lui coûter cher. On connaît déjà les difficultés à gérer cette relation entre les pays européens au sein du consortium EADS alors, en attribuant le contrat à une entreprise d’une seule nationalité, il n’est pas certain qu'à l'avenir les autres pays coopèrent de bon grés. Si la concurrence aime à entretenir ces tensions, ce choix ressemble à du pain béni pour eux. Aeroplans - Commission UE pour GALILEO

On pourra toujours se retrancher derrière le fait qu’EADS Astrium participera à la réalisation de ce contrat. Le groupe travaillera avec OHB via sa filiale britannique SSTL. La répartition de la commande devrait d’ailleurs se faire à 40% pour SSTL et 60% pour OHB. Le contrat de fabrication de ces 14 satellites est effectivement crucial pour une entreprise familiale de 1 500 employés. Mais d’un autre côté, cette victoire du constructeur de Brême peut symboliser les espoirs de ceux qui veulent voir les instances spatiales européennes évoluer.

En effet, l’offre finale allemande de 566M€ était moins coûteuse que celle d’EADS (près de 100M€ de différence). L’ESA aurait donc eu le courage de choisir impartialement le meilleur fournisseur, jouant ainsi le jeu de la libre concurrence entre les entreprises, ce qui lui a permis au passage de diversifier ses sources d’approvisionnement. Pour un programme dont les coûts ont déjà augmentés et qui sera finalement financé par des fonds publics, on ne peut que saluer cette décision surtout dans un monde peu habitué à la mise en concurrence. L'ESA se prépare d'aileurs à deux années difficiles en raison des difficultés de trésorerie de certains pays membres. A ceci près que cette décision revêt encore quelques incertitudes.

Au final, la première tranche, composée à l'origine de huit satellites, sera passée à quatorze, et ce sur décision de la Commission Européenne. Quand on connaît la pression qu’exercent les lobbyistes allemands sur cette instance, on est en droit de se poser des questions. On peut aussi croire que c’est pour augmenter la vitesse de mise en service de GALILEO. En dehors de la phase initiale « IOV » et des quatre satellites déjà en cours de fabrication (prévus au lancement en novembre 2010 et février 2011) chez Astrium, l’objectif que s’est désormais fixé Bruxelles est de placer dix-huit satellites en orbite d’ici à 2013.

Avec ces quatorze supplémentaires, le compte est maintenant bon. Le projet compte au total trente deux satellites et l’appel d’offres pour la fourniture des derniers engins devrait commencer à la fin de cette année. EADS a d’ores et déjà diligenté une enquête interne pour expliquer l’écart de prix entre l’offre concurrente et la sienne. Chez OHB en tout cas, on jouit d’une bonne réputation dans le secteur. L’entreprise a livré en temps et en heure et surtout sans surcoûts cinq satellites militaires à l’armée allemande. Si le programme a pris tant de retard, OHB ne devrait pas être responsable de nouveaux reports de tir.

Aeroplans - SoyouzEnfin, pour ce qui est du support système, c’est Thales Alenia Space qui empoche logiquement le contrat de 85M€. Sans surprise aucune, Arianespace lancera les dix premiers satellites pour 397M€. Ce sont des lanceurs Soyouz qui seront utilisés en attendant qu’Ariane 5 soit adaptée à ce genre d’opérations. Ils seront ainsi lancés depuis les toutes nouvelles installations guyanaises. La base française devra également accueillir de nouvelles installations dédiées à GALILEO.

Du côté français c’est en tout cas une mauvaise opération. Les retombées économiques et intellectuelles seront bien limitées pour un pays qui voulait y jouer un rôle de premier plan. D’un autre côté, les Allemands peuvent se frotter les mains et empochent une nouvelle victoire dans le domaine spatial. Peut-être devrait-on dire que c’est la France qui est de nouveau en échec dans une industrie qu’elle dominait pourtant il y a encore quelques années.

D’un autre côté, la menace est avant tout étrangère quand on pense à la survie du programme. Si GALILEO est annoncé avec une précision de l'ordre du mètre, l’avance technologique que cela représente fond comme neige au Soleil. En dehors des Américains, les Russes ont déjà annoncés la même précision et il en sera sans doute de même pour les Chinois. Si les technologies de positionnement par satellite ont de plus en plus de débouchés, notamment sur les marchés civils, le premier système actif et performant se constituera un avantage concurrentiel significatif.

A noter cependant que le système GALILEO apportera une certaine indépendance à l'Europe dans le domaine des applications gouvernementales, notamment militaires (bien que le système soit civil, il sera possible de l'utiliser à des fins militaires, moyennant finance), vis-à-vis du GPS américain. En effet, en plus des huit signaux commerciaux (six gratuits et deux payants), les satellites de la constellation enverront deux signaux strictement destinés aux services publics requèrant une précision, une qualité du signal ainsi qu'une fiabilité bien plus grande.

 

Pour se donner une idée, la précision du signal gouvernemental, ainsi que pour certains services payants, pourrait être inférieure à dix centimètres si le signal satellite est complété par des signaux en provenance de stations terrestres, tandis que le signal gratuit aurait une précision de quatre mètres. Le signal sera par ailleurs crypté et protégé contre les tentatives de leurrage et de brouillage, qui furent une des grosses failles du GPS, car il fut brouillé de nombreuses fois durant certains conflits comme en Irak, empêchant le guidage de certaines armes.

Cette indépendance européenne restera néanmoins toute relative puisque, selon un protocole d'accord, le gouvernement américain disposera des moyens nécessaires à la fermeture des services commerciaux de GALILEO dans certaines zones, par exemple en cas de conflit. Les deux signaux gouvernementaux ne sont cependant pas a priori concernés par cet accord et resteraient donc sous contrôle européen. Cette concession fut nécessaire aux Européens pour obtenir l'accord tacite américain, afin que ceux-ci laissent le programme se développer en paix (relative elle aussi, au vu des rivalités intraeuropéennes que nous venons d'évoquer).

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Michael Colaone et Etienne Marcuz.