On parle souvent de la prédominance des Etats-Unis dans l’Espace. Rumeurs, vérités et films hollywoodiens mettent en effet bien en valeur une nation qui a toujours fait de l’espace une de ses priorités scientifiques et militaires.
Ce dont on parle moins, c’est la manière dont la France a depuis longtemps joué cette même carte pour devenir aujourd’hui un acteur de tout premier plan. Avec la mise en service d’Helios 2B en cette fin d’année 2009, les succès français en matière d’imagerie militaire peuvent occuper le devant de la scène. Rejoignant en orbite ses frères Helios 2A et Helios 1A, cette Rolls-Royce des satellites confirme que la France dispose aujourd’hui de la seconde capacité mondiale d’observation stratégique en Occident. Ceci en attendant MUSIS, programme de relève de la famille Helios et qui semble d’ores et déjà promis à un succès hors du commun.
Le lancement d’Helios 2B.
C’est certes dans la douleur que ce nouveau satellite d’observation militaire aura été mis en orbite, mais il ne fallait pas moins de suspense autour d’un lancement inhabituel. Depuis début décembre, la base spatiale de l’Europe à Kourou retenait son souffle. Mirages, Awacs et forces spéciales entourent le pas de tir et les installations guyanaises de la plus grande attention. Le lancement est important, toute la communauté internationale du renseignement et de la Défense a les yeux rivés vers Ariane 5 et son précieux chargement.
Après deux reports, le plus fiable des lanceurs spatiaux au monde emmène finalement Helios 2B vers son orbite. L’aventure peut commencer et surtout, la France se dote de son troisième satellite d’observation militaire actif, ce qui en fait le second acteur mondial après les Etats-Unis et devant le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Russie et la Chine.
Pour le moment, le satellite nécessite encore quelques semaines de réglages avant d’être pleinement opérationnel. Si ce programme est une réussite complète pour la France qui aura déboursé deux milliards d’euros, soit 90% du coût total, il ouvre aussi la voix aux futurs projets de coopération européens. Les Français devront ainsi fournir un certain quota, déterminé par leurs participations financière. L’Italie, l’Espagne, la Belgique et la Grèce ayant participé à hauteur de 10% du financement d’Helios 2B.
C’est aujourd’hui la fin du programme Helios qui aura finalement donné vie à ces trois satellites, Helios 1A, Helios 2A et Helios 2B, ainsi qu'à Helios 1B, qui n'est plus en service aujourd'hui. Un véritable succès pour un montant de 4 milliards d’euros. En Europe, cette situation a de quoi faire des envieux puisque le Royaume-Uni dépend encore de l’Oncle Sam, l’Allemagne et l’Italie avaient, eux, parié sur la technologie radar. Une situation qui pourrait bien évoluer sous l’impulsion de la France puisque c’est maintenant le programme MUSIS qui va occuper l’esprit des acteurs européens.
MUSIS et l’avenir de l’imagerie militaire européenne.
En France, MUSIS est simplement la relève de deux générations de satellites Helios. Après un tel succès et au vue des priorités données par le Livre Blanc de la Défense aux technologies militaires spatiales, MUSIS devrait trouver un tiers, voire même la moitié de son financement (évalué à trois milliards d’euros) dans l’Hexagone. Une prédominance logique alors que les besoins s’intensifient.
La mise en service du premier satellite de cette nouvelle génération devrait avoir lieu en 2016, alors que le budget français alloué à ces opérations devrait passer à 600M€ en 2014, puis à 800M€ vers 2020. Or, malgré un budget adapté, c’est intelligemment que le camp français joue l’ouverture pour se donner plus de champ sur d’autres programmes.
Durant la présidence française de l’Union Européenne, la lettre d’intentions donnant officiellement naissance au programme de coopération européen a été signée par l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, la Grèce et l’Espagne. S’il n’y a rien d’étonnant à retrouver les anciens partenaires d’Helios, on notera l’entrée de l’Allemagne dans cette nouvelle aventure. Si cette décision peut revêtir certains risques, elle ouvre surtout la voie à un financement plus sûr, car réparti entre plus d’acteurs. Si la cohabition est plus difficile à gérer, elle peut aussi laisser penser que plus de satellites seront lancés dans l’avenir, augmentant ainsi les capacités militaires de chaque pays.
En attendant la suite des évènements politique, c’est un véritable projet européen de Défense qui est en train de se mettre en place. L’agence européenne de défense a ainsi été chargée par Paris de trouver plus de partenaires. Dans un même temps, l’OCCAR (l’organisation conjointe en matière d’armement) pilote un appel d’offres pour les segments sols. Pour ce qui est de la conception même des premiers engins, on connaît déjà les grands favoris. Comme sur Helios, EADS Astrium devrait assurer la maîtrise d’œuvre et Thales Alenia Space produira certainement les instruments de très haute et extrêmement haute résolution, c'est à dire jusqu'à moins de vingt-cinq centimètres.
Restons cependant prudents : en matière de projets européens, rien n’est jamais certain. Reste que MUSIS ressemble fortement à ce qui pourrait être une belle réussite pour l’Europe et ses partenaires. Rien d’étonnant que cela arrive dans le domaine spatial et militaire qui plus est, ce genre de pratique ayant lieu depuis quelques années déjà comme le démontre Helios. Les conditions générales de participation de chaque pays au sein de MUSIS devraient être connues au cours de l’année 2010. Reste que l’aventure sera sûrement belle si elle ne subit pas les frais des mésententes franco-allemandes ou encore des pressions étrangères. On ne voudrait pas voir une affaire semblable à GALILEO se reproduire avant longtemps.
Michael Colaone.
PS : Je suis ravi d'être de retour sur les pages d'Aeroplans. Je vous souhaite à tous une excellente année 2010 !