La cinquantième Ariane 5 devrait décoller ce soir, à 23h59 heure de Paris, du Centre Spatial Guyanais (CSG). Ce lanceur, L551, est le vingt-quatrième du lot de production PA, qui en compte au total trente. Il sera ce soir en configuration ECA, et sera équipé d'une case à équipements de nouvelle génération, dont ce sera le deuxième vol (le premier avait eu lieu en août 2009, sur le Vol 190).
La mission consiste à injecter sur une orbite de transfert géostationnaire (GTO) deux satellites de télécommunications, l'un civil, ASTRA 3B, et l'autre militaire, COMSATBw-2.
ASTRA 3B pour l'Europe... et les Etats-Unis !
ASTRA 3B appartient à la filiale « Astra » de la Société Européenne des Satellites (SES), qui en a confié la construction à EADS Astrium dans le cadre d'un contrat signé en novembre 2006. A noter que sur plus de vingt satellites qu'a lancé la SES Astra, celui-là est seulement le troisième à avoir été commandé à Astrium.
Il s'agit d'un gros satellite de 5 472kg qui utilisera la plate-forme Eurostar-3000. Il est équipé de 56 répéteurs en bandes Ku et Ka, dont plus des deux tiers correspondent à une nouvelle capacité (le tiers restant permettra de remplacer une capacité existante sur des satellites en fin de vie). Positionné à 23,5°E, il desservira principalement l'Europe et le Moyen-Orient.
De plus, la société américaine Artel Inc., basée en Virginie, louera à la SES Astra un peu de la capacité de son nouveau satellite (quatre répéteurs) afin de la relouer au Pentagone, dans le cadre du programme « Defense Satellite Transmission Services », qui vise à augmenter les capacités de transmission des Forces armées américaines par des moyens commerciaux, en complément des moyens nationaux. Ce luxe coûte aux militaires d'outre-Atlantique la bagatelle de 350M$ par an.
COMSATBw-2 pour les militaires allemands.
La seconde charge utile qu'Ariane 5 emportera ce soir est le satellite militaire allemand COMSATBw-2, qui fait suite à COMSATBw-1 lancé par le Vol 191 d'octobre 2009.
Le Ministère allemand de la Défense a confié la maîtrise d'œuvre du satellite à Astrium, qui en a délégué la réalisation à Thales Alenia Space. La plate-forme cannoise Spacebus-3000B a en revanche été équipée de répéteurs made in Astrium, fournis par la filiale TESAT. Ce satellite a une masse au lancement de 2 500kg.
Le Vol 194 dans le contexte mondial.
Le lancement du Vol 194 était à l'origine prévu pour le 24 mars, mais a dû être repoussé de quarante-huit heures pour régler un petit aléa technique.
Si ce lancement est le premier de l'année pour Arianespace, il est bon de rappeler que le lanceur russe Proton-M, le principal concurrent de l'Europe dans le secteur du transport spatial, en a déjà réalisé quatre. D'ailleurs, Proton a volé pas moins de neuf fois au cours des neuf derniers mois !
Tous ces vols n'étaient pas commerciaux, et tous étaient des tirs simples. Ainsi, cette année, International Launch Services n'a en fait lancé que deux satellites commerciaux. Arianespace devrait donc rattraper son retard en une seule fois.
Cette situation a le mérite de démontrer deux faits indéniables : la très bonne santé de ce secteur de l'industrie spatiale russe, qui reste capable de produire un lanceur de qualité à une cadence particulièrement soutenue, et la supériorité de la stratégie du lancement double, qui permet de rester leader mondial avec moitié moins de lanceurs, et donc des coûts de production largement abaissés.
On rappelle que la France a décidé a priori d'abandonner cette stratégie pour Ariane 6, dont la définition n'est toujours pas fixé, tant les idées sont nombreuses à la DLA du CNES comme chez Astrium.
Le lancement est à suivre toujours sur le video corner d'Arianespace.
Nicolas Pillet.