Avant de revenir sur les drones de taille intermédiaire destinés aux missions ISTAR ou avant de commencer à aborder la question des drones d’attaque, nous allons faire une étape importante sur les drones hypervéloces. Depuis 1963, le Canada, l’Allemagne et la Grande-Bretagne sont des pionniers dans le développement de ce type de drones. Ils ont ainsi développé le CL-89 au sein d’un programme de coopération multinational. La France ralliera le mouvement en 1987 ce qui l’amènera ensuite vers le développement conjoint du CL-289 avec le Canada et l’Allemagne. Mais depuis, malgré quelques projets classés sans suite, les drones hypervéloces tombent petit à petit dans l’oubli.
Le CL-289 est un drone de reconnaissance tactique hypervéloce de deuxième génération en service au sein des forces armées allemandes et françaises depuis 1993. Il est le digne successeur du CL-89 de première génération développé par le Canada, l’Allemagne et le Royaume-Uni. La France et l’Italie rejoindront ensuite le programme. Pour ce qui est du descendant, il est composé du missile CL 289 et d'un système de préparation et d'interprétation des vols des engins de reconnaissance (PIVER) développé et produit uniquement en France. Il est issu de la coopération entre le français Aérospatiale, l’allemand LFK et le canadien Canadair. À ce jour, 140 exemplaires ont été livrés à la France et l’Allemagne. En France, c’est le 61° RA de Chaumont qui est chargé de son exploitation pour répondre aux besoins exprimés en termes de missions/jour.
Le drone est utilisé à des fins de détection et d’acquisition d’objectifs, ainsi que pour des missions de classification et d’identification. Il assure également des vols de surveillance, de reconnaissance et d’évaluation des dommages. Il permet ainsi d’obtenir et d’exploiter des images infrarouges ou photographiques obtenues lors de ses missions. Pour cela, l’engin de 240 kilos effectue des vols préprogrammés en quasi suivi de terrain, à vitesse subsonique élevée, jusqu’à 400 km de son point de lancement. Il vole de 300 à 1200 mètres d’altitude pour une durée qui peut avoisiner les trente minutes à une vitesse de 720km/h. En termes d’observation, le CL 289 peut effectuer des prises de vue optiques utiles jusqu'à 900m d'altitude et en infrarouge jusqu'à 600m pour une précision de localisation de 10m après corrélation entre cartes et photos.
Il a pour cela seulement besoin d'une installation au sol, complètement mobile et pouvant être rapidement mise en place. C’est pour cela que l’on parle de systèmes CL-289 qui mettent en jeux des engins réutilisables. En effet, une fois lancé le drone est récupéré à terre par les forces en présence qui pourront exploiter ses données en une quarantaine de minutes. Plus précisément, il est récupéré sous voile et reconditionnable après le vol.
Le système CL-289 a été éprouvé en combat lors des missions de l’ONU/OTAN en Bosnie et au Kosovo à la fin des années 1990. Il fut également présent dans le cadre de la force européenne Eufor, déployée à Forchana, dans l'est du Tchad en 2008. Onze drones ont alors été servis par un détachement de 37 militaires. Au cours de ces déploiements, le drone a démontré de son aptitude à remplir ses missions. Mais son avenir est désormais scellé. Il a été retiré du service en mars 2009 par les forces armées allemandes. L’armée de Terre française continuera de l’exploiter jusqu’en 2011 sans pour autant penser à un remplaçant.
Quel avenir pour les drones hypervéloces ?
Aujourd’hui, les drones hypervéloces n’ont clairement aucun avenir digne de ce nom. Une fois retiré du service en France, ce type d’engin n’aura plus de successeur en Europe. Compte tenu de l’urgence sur les autres segments de la composante, les drones MALE ou d’attaque ont plus d’avenir et de potentiel pour nos industriels. Cependant, le Cl-289 ne doit pas pour autant sombrer dans l’oubli, car il pourrait un jour refaire surface.
À l'origine, les CL-289 devaient être destinés à trouver les cibles pour les frappes nucléaires des missiles Hades de l'armée de Terre. Comme nous avons pu le constater, leur champ d’action a cependant largement dérivé. Mais pour mener ses opérations d’observation, le CL-289 souffre de sa très faible autonomie de vol, de l'ordre de 30 minutes à 720 km/h. De plus, il vole selon une trajectoire pré-programmée de 400 kilomètres au maximum ce qui réduit une nouvelle fois son champ d’action et d’improvisation. Ainsi, qu’il fonctionne en mode photo ou infrarouge, le CL-289 ne correspond pas aux besoins actuels en moyens d’observation de longue endurance. Les forces armées sont actuellement plus demandeuses d’engins de type MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) ou à haute altitude permettant la surveillance de zones sur une longue durée.
Cependant, ils permettront encore d'aller vérifier des renseignements obtenus par ailleurs jusqu’en 2011. Ceci si personne n’exprime sérieusement des besoins pour de nouvelles missions pour des drones hypervéloces. Si pour le moment l’Europe va certainement se concentrer sur des moyens d’observation puis d’attaque, le renseignement en zone fortement hostile va devenir un problème. En effet, un des intérêts pour ce type de drone qui pourra ressortir à l’avenir sera peut-être sa capacité d’incursion en terrain ennemi. Obtenir une information ciblée ou une confirmation rapidement sur ce genre d’engagement sera peut-être l’un des futurs besoins des forces armées. Les drones hypervéloces pourraient alors faire leur grand retour.
Le programme de démonstration CARAPAS par EADS.
En 2005, le consortium européen EADS procéda au premier vol d’essai de son démonstrateur de drone rapide baptisé CARAPAS (CApacité drone RAPide AntileurreS). Un programme de démonstration en coopération avec la DGA française et Galileo Avionica. L’entreprise italienne est leader dans les domaines de l'électronique de mission, de l'avionique et de l'optronique. Société du groupe Finmeccanica elle participait notamment pour la mis en œuvre du système aérien Mirach 100-5. Le vol réalisé avec succès avait pour but de contrôler les fonctionnalités du système, les procédures de mise en œuvre et le dispositif mis en place au Centre d'essai Lancement de Missiles (CELM) de Biscarrosse. Le drone se caractérise par l'emport de deux charges utiles EO/IR (Electronic Optical/Infrared) orientable et ESM (Electronic Spectrum Measurement) travaillant en association, une première mondiale réalisée sur un drone tactique rapide.
Michael Colaone.
Cet article est la troisième partie de notre feuilleton intitulé « Guerre des drones et avenir de la supériorité technologique européenne » dont vous pouvez retrouver la première partie ici.
{slideshare}[slideshare id=3549403&doc=article1015-100325074032-phpapp02&type=d]{/slideshare}