Tout comme le Rafale français, le Gripen a était développé par la Suède et son constructeur Saab dans l’esprit d’association entre la défense et l’autosuffisance industrielle. Fière de son indépendance technologique, la Suède a donc développé depuis 1980 un chasseur polyvalent qui puisse répondre à la fois à ses exigences budgétaires et militaires. L’idée d’un appareil multi rôles a très logiquement fait son chemin et s’est imposée chez notre voisin scandinave.
Le Gripen est un appareil petit mais puissant. Il doit en effet s’adapter à un terrain qui, en cas de guerre obligerait les pilotes à utiliser des portions de route comme base. Le JAS 39 (Jakt.Attack/Spaning)(Chasse/Attaque/Reconnaissance) peut donc décoller sur de courtes distances (une piste de 800 mètres de long sur 17 mètres de large suffit) et utiliser des terrains plus accidentés que ses concurrents. Le premier avion de série a pris son envole le 10 septembre 1992 et est largement utilisé par l’armée de l’air suédoise. La quasi-totalité des 204 appareils autorisés par le parlement suédois ont déjà étaient livrés. Son prix a était réduit de 30 à 40% par rapport à son prédécesseur le Viggen pour un prix catalogue à 27M€.
Une particularité importante pour la suite est de constater que le JAS 39 est construit avec une part de composants fabriqués aux Etats-Unis assez importante. En effet, ses systèmes, son avionique (Lockeed Martin), son moteur (Un Volvo Aero RM12 développé sur la base du F404-GE-400 de General Electrics) et son armement (Amraam, Maverick, Sidewinder) sont d’origine américaine. Le radar Ericsson PS-05 est quand à lui en partie anglais. Cet appareil fait aussi la part belle aux alliages légers et matériaux composites à base de carbone. BAE assure une complète compatibilité OTAN.
Même si le Gripen a était développé pour satisfaire à des besoins nationaux, la version export est particulièrement soignée et il faut croire que les suédois ont particulièrement à cœur de vendre leur appareil à travers le monde. C’est en 1996 que Saab et BAE Systèmes (A l’époque British Aero Space) se sont associés pour créer une société de commercialisation pour le Gripen. Le JAS 39C dans sa dénomination à l’export est doté d’une avionique plus internationale et surtout d’une perche de ravitaillement en vol. Cependant fin 2004, le britannique a décidé de réduire à 20% sa part de 35% dans l’avionneur Saab. Il a surtout décidé de se désengager de Gripen International, la société de commercialisation du JAS 39C donnant ainsi toute responsabilité au suédois. Ericsson et FFV Aerotech sont également partenaires dans la conception de l’appareil.
Il est vrai que le frelon (Gripen) est un produit redoutable à l’exportation. D’un point de vue technique le suédois est tout à fait abouti en comparaison du reste du marché. Il dispose même de certains atouts dont nous parlions plus haut. Sa nationalité profite à la fois de son caractère européen gage de qualité et de supériorité technologique. Mais le Suède est aussi un pays un peu marginal, politiquement moins engagée que d’autres nations de la région. Autant d’éléments qui rendent cet appareil plus indépendant que ses compétiteurs français, européen, russe ou américain.
La vente du Gripen est particulièrement réfléchie. Pour se faire une idée des efforts mis en œuvre, il suffit de se rendre sur le site promotionnel pour constater que la démarche marketing s’est adaptée aux clients potentiels. Ceci couplé à son prix plus abordable que ses concurrents en fait un produit certes moins performant qu’un F-18 mais plus abordable. Les parts de marchés ne sont donc pas toujours les mêmes que celles du Rafale par exemple. Si les deux appareils vont s’affronter dans certaines régions, le Rafale sera définitivement trop cher pour certains pays, plus modestes.
Le premier succès du Gripen a lieu en Afrique du Sud, en 1998. A l’époque, le pays africain passait commande de 28 appareils (dont 9 biplaces JAS 39B) en vue de remplacer ses Cheetah, ses avions légers Impala ainsi que ses Mirage F-1. Il faut croire que Dassault n’a pas réussi à tirer profit de l’expérience locale avec des Mirages F-1 pourtant français. Dans le cadre de la modernisation de son armée de l’air, les forces sud-africaines ont réceptionnées leur cinquième appareil au début du mois de décembre 2008. L’entrainement Gripen pour les pilotes a ensuite commencé sur la base de Makhado. Ensuite, c’est la course au contrat que Saab commence en participant à quasiment tous les appels d’offres internationaux.
• République Tchèque : Faute de financement, 14 avions dont 2 JAS 39B sont loués à la Suède pour 10 ans avec option d’achat. Entrée en service en 2005 ils remplacent les légendaires MiG-21 pour un contrat de 660 M€. Ils seront équipés par 33 M€ de missiles AMRAAM soit 24 missiles. Dans le futur, un contrat ferme d’achat pourrait représenter 24 avions.
• Hongrie : En compétition avec le F-16 américain, Saab remporte un contrat dans un contexte difficile (en raison de financements réduits, la commande de 24 avions passera à 14) pour la location de 14 avions dont 2 JAS 39B loués à la Suède avec option d’achat. Entrée en service en 2006, le contrat est estimé à 555 M€ et est livré avec un armement américain. Ce prix est à mettre en comparaison avec le prix facturé à la République Tchèque pour comprendre l’effort fait par les suédois. A terme, la Hongrie pourrait se doter de 30 nouveaux appareils.
• Royaume Unis : L’Empire Test Pilots School choisit le Gripen pour entrainer ses pilotes.
En Europe, l’appareil connait donc un fort succès. Que ce soit avec les commandes vues plus avant, le Gripen intéresse également la Pologne (100 avions) et l’Autriche (30 avions). La Norvège à elle d’abord signée en avril 2007 un accord avec Saab en vue du développement d’une nouvelle version de l’appareil qui aurait put entrer en service en 2015. Premier échec majeur pour le Gripen, Oslo à finalement choisi de s’embarquer dans l’aventure JSF. Ceci est cependant sans parler des autres pays à travers le monde qui aujourd’hui s’intéressent aux qualités du chasseur suédois.
La Thaïlande sera certainement le prochain pays à se fournir chez Saab. Le gouvernement thaïlandais a ouvert des négociations en vue de l’acquisition de 12 Gripen et 2 systèmes de reconnaissance Erieye pour un contrat estimé à 1,1 milliards de dollars US. L’armée de l’air évalue depuis 2003 plusieurs appareils mais les relations entre les deux familles royales thaï et suédoise ne sont pas étrangères à cette issue heureuse pour Saab. Les F-5 B/E seront donc remplacés par des Gripen avec une première tranche de 6 JAS 39 et 1 Erieye entre 2008 et 2012. La seconde tranche sera planifiée sur les budgets défense 2013-2018.
Le Chili a formulé un intérêt certain pour renouveler ses forces. L’affaire s’annonce tout de même corsée au regard de la sphère d’influence étatsunienne sur l’Amérique du sud.
La Roumanie va également être le théâtre d’affrontements en vue de l’achat par ce pays de 48 avions de combat pour remplacer sa flotte de MiG-21. Une enveloppe de 3,5 milliards d’euros pour laquelle le JAS 39 retrouvera le Rafale, l’Eurofighter et le F-16. Un Rafale qui bénéficiera de la vente d’ATR récente. Pour le moment l’affaire semble bien engagée pour les américains et ceci en raison de la forte comptabilité OTAN demandée par les roumains. Cependant, nous l’avons dit les suédois ont prévu cette même compatibilité grâce à son partenaire BAE Systems.
La Suisse sera toute fois un appel d’offre intéressant à suivre. Les avions se succèdent sur la base d’Emmen en vue du remplacement des trentenaires F-5 Tigre. L’armée Suisse a prévu un budget de 2,2 à 2,5 milliards de francs suisses (1,5 milliards d’euros) soit environ 22 appareils. Avec un prix affiché de 50 M€ (hors coûts de maintenance), le Gripen semble bien placé par rapport à ses concurrents Rafale, Eurofighter et F-18. Cependant nous l’avons vu, le Rafale peut-être obtenu pour un prix avoisinant les 50 à 60 M€ pour un appareil tout de même supérieur. L’Eurofighter à 60M€ semble un peu en retrait et l’influence américaine en Suisse reste assez limitée.
Dans les prochains matchs, le Gripen répondra à l’appel d’offre brésilien. Le Brésil a en effet décidé de moderniser sa chasse à partir de 2009. Face à lui, le F-18 et le Rafale. Comme pour la vente récente de sous-marins et d’hélicoptères, le volet transfère de technologies sera déterminant. La France a remportée la semaine dernière ces deux derniers appels d’offres ce qui positionne bien le Rafale. Un Rafale apprécié par le président Lula et qui cherche à se vendre via une association avec le brésilien Embraer. Le F-18 est quand à lui soumis aux réticences du congrès américain qui n’aime pas beaucoup les transferts de technologie militaire et voit bien la montée de l’influence brésilienne sur son terrain de jeu sud américain.
L’Inde s’apprête elle aussi à lancer un appel d’offre pour 126 appareils. L’armée de l’air indienne a besoin depuis longtemps de ce renouvellement et ne choisira à priori qu’un seul fournisseur pour ces avions et l’entretien sur 40 ans de ces derniers. Un contrat pouvant s’élever à 9 milliards de dollars US et venant s’additionner à un contrat remporté par Rosoboronexport (agence d’exportation des armes russes) pour la modernisation de 3 escadrilles de MiG-29. Les compétiteurs sont déjà connus. Le Gripen sera comparé au Rafale, à l’Eurofighter, au F-16I Sufa, au Mig-35 (un MiG-29M2 ou un MiG-29 OVT modernisé). Les chances du chasseur suédois sont minces même si la Suède propose un crédit-bail sur 10 ans pour le paiement de ces appareils. Il s’agira certainement d’un affrontement américano-russe dans lequel le JAS 39 n’aura pas vraiment sa place.
Le JAS 39 Gripen. Un avion de chasse suédois qui présente beaucoup d’atouts techniques qui peuvent en faire l’un des blockbusters de ces prochaines années dans le monde. Il profite également d’une méthode agressive de vente sur des créneaux parfois délaissés. Compétitif et agressif, l’avion s’exporte bien et est présent dans les appels d’offres médiatiques. Qu’elle meilleure publicité que de voir son avion voler dans des forces internationales ? Saab l’a bien compris et met aujourd’hui tout en œuvre pour exporter son avion. Un peu en retrait des grandes considérations politiques, le Gripen se positionne comme un avion de toute dernière génération, à un prix abordable et tous publiques. Un appareil qui devrait encore faire parler de lui et c’est mérité.