Ces derniers mois le monde de l'aérien a suivi avec le plus grand intérêt les péripéties d'EADS aux Etats-Unis concernant la première tranche de renouvellement des avions ravitailleurs de l'US Air Force. Nous avons tous apprécié la ténacité du groupe européen à décrocher un contrat particulièrement difficile et ceci grâce à une stratégie d'intelligence économique bien réfléchie.
Nous connaissons tous l'avancement de cette affaire qui aujourd'hui pourrait bien se voir relancée dès cette année mais, comme souvent l'on oublie que ce n'est pas la première fois que nous sommes tout près de décrocher un gros contrat sur le sol américain.
Les Etats-Unis peut-être plus que les autres pays du monde protègent leur industrie aéronautique avec la plus grande vigueur. Ceci pour deux raisons principales ; la première est que cette industrie emplois un nombre très important de personnes sur le sol américain. Ensuite parce que l'industrie aéronautique plus que beaucoup d'autres secteurs est un vecteur de puissance très important dans le monde. A voir le match que se livrent Airbus et Boeing et les déclarations politiques qui s'en suivent pour comprendre ce qu'il vient d'être dit. Mais avant que la rumeur sur l'A380 qui viendrait remplacer (ou certainement pas) le B747 Air Force One ou la bataille pour les ravitailleurs de l'USAF, l'Alpha Jet avait déjà fait parlé de lui outre atlantique.
C'est le 26 Octobre 1976 que la carrière de l'avion franco-allemand décolle. Principalement destiné à devenir un avion d'entrainement pour les pilotes de l'armée de l'air française ainsi que de la Luftwaffe l'appareil présente également de légères capacités d'attaque air-sol, préférées par l'Allemagne lors de sa conception. Avion école par excellence, l'appareil développé par Dassault-Breguet et l'allemand Dornier continue de remplir ses missions avec succès et symbolise l'excellente entente qu'il peut y avoir entre les industries française et allemande. C'est aussi un fort succès à l'exportation puisque une dizaine de pays utiliseront l'Alpha Jet au fil des années. Les principaux pays ayant choisis l'avion « européen » sont l'Egypte, le Portugal, le Maroc, la Belgique et la Thaïlande.
Malgré sa réputation d'excellence et même si des Alpha Jet de collection volent aujourd'hui dans le ciel des Etats-Unis, nous allons revenir sur un fiasco qui ressemble assez à l'affaire actuelle des ravitailleurs.
Le projet VTX pour l'US Navy se déroulera de 1977 à 1983. A cette époque, l'US Naval Air Development Center veut se doter d'un appareil d'entraînement de nouvelle génération pour remplacer ses NA T-2 Buckeye et Douglas TA-4F Skyhawk. Un concours international est lancé et Dassault-Breguet répond avec une version de l'Alpha Jet A à peine modifiée. Comme principales modifications, le train d'atterrissage est renforcé puis doté d'un diabolo pour les évolutions sur porte-avion. Le nez de l'appareil gagne lui aussi quelques centimètres.
Ce qui est une nouvelle fois intéressant dans cette affaire c'est que les Européens ont choisi de s'allier avec un avionneur américain. Ce dernier étant tout comme pour les l'affaire des ravitailleurs, Lockheed.
La stratégie du premier pied posé sur le sol américain pour décrocher un contrat ne fut donc pas une première pour l'aviation européenne. Hors comme nous le savons, il est de toute façon exclu qu'un constructeur étranger et de surcroit européen fournisse un certain nombre d'avions (ici 350 unités) aux Etats-Unis d'Amérique eux-mêmes producteurs d'avions.
Et c'est bien normal compte tenu des emplois et des enjeux économiques mis en cause. L'alliance avec un constructeur américain qui en plus, fabriquerait la totalité des avions sur le sol américain en cas de victoire est une stratégie qui peut porter ses fruits. De plus, les réacteurs Turbomeca/SNECMA Larzac doivent également être construits aux Etats-Unis par Teledyne CAE de Toledo (Ohio). Il est certain que les bénéfices pour les Européens ne se ressentiraient pas énormément au niveau de l'emploi mais, c'est un contrat symbolique et qui générerait des bénéfices qi pourraient être exploités par la suite.
Evoluant dans une livrée spéciale jaune, bleu et blanche, l'Alpha Jet effectuera sa tournée à travers le pays évoluant sous les yeux d'officiels, d'officiers de haut rangs et de pilotes. Cependant, malgré sa bonne tenue et sa résistance à un programme éprouvant, la démonstration échoua. Autre similitude (même si l'affaire n'est pas terminée) avec le programme de renouvellement des ravitailleurs, ce sera le mono réacteur BAe Hawk qui sera sélectionné et produit sous licence par Mc Donnell Douglas. Ceci même alors que la fiche de l'US Navy demandait un biréacteur. Il faut croire qu'une fois de plus, le meilleur ne gagne pas. C'est le plus rusé qui parvient à ses fins et la politique industriel l'emporte toujours sur le choix de ce type d'appareils.
« Un bel avion est un avion qui vole bien » disait Marcel Dassault.