Le dernier né du constructeur canadien spécialiste des jets d'affaire et avions régionaux ne rencontre pas le succès escompté. L'annonce survenue la semaine dernière de la signature d'un contrat entre l'avionneur canadien et la compagnie SWISS filiale de Lufhansa portant sur l'achat ferme de 30 appareils ainsi que d'une option sur 30 appareils supplémentaires portant à 60 le nombre d'appareils de cette série actuellement en commande. Bombardier qui dispose d'une santé financière lui permettant de résister à court terme à la baisse de régime de l'industrie aéronautique fortement affectée par la crise pense pouvoir étaler ses objectifs de vente dans le temps.
Le CSeries semble condamné à un décollage long et à un atterrissage incertain...
Un avantage technique, mais pas stratégique
Le jet régional développé par l'avionneur Bombardier dispose des meilleurs avancées technologiques disponibles sur le marché à l'heure actuelle. Il a par ailleurs été développé dans le but de répondre au maximum aux nouveaux besoins des compagnies aériennes dont la stratégie s'oriente peu à peu vers le multihub qui requiert des avions plus petits, mais permettant des rotations rapides (Ex: Lufthansa et ses liaisons Paris - Allemagne dont la plus part se font sur CRJ, plus régulièrement que Air France).
De plus, au cours de l'année 2008 l'envolée des cours du pétrole plaçant la majorité des compagnies pétrolières dans la difficulté donnait au CSeries de grands espoirs dans la mesure où son aérodynamisme et ses moteurs dernière génération garantissent aux compagnies aériennes une consommation 20% inférieure aux appareils actuels.
Le CSeries dispose de nombreux avantages, cependant, ces avantages ne suffisent pas toujours pour s'implanter sur ce marché dont les perspectives de croissance sont énormes !
Bombardier en concurrence avec Boeing et Airbus
La construction aéronautique est un domaine très segmenté, Airbus et Boeing se partageant le marché des gros porteurs ; Bombardier jusqu'à présent était leader sur le segment des jets régionaux, Cessna dominant le marché des jets d'affaires. Le développement du CSeries permet donc à Bombardier de directement concurrencer la gamme des avions les plus petits de chez Airbus et Boeing (Ex:A319/320 et Boeing 737).
La concurrence sur ce segment est déjà très rude entre les deux géants de l'aéronautique et les barrières à l'entrée de ce marché s'annoncent difficiles à franchir. Cependant, les deux géants de l'aéronautique n'ont pas prévu d'actualiser leurs gammes de petits appareils avant 2020.
Le premier appareil CSeries devrait entrer en fonction en 2013, certains analystes y voient un avantage concurrentiel majeur et Bombardier semble vouloir profiter de cette fenêtre de tir de 7 ans. Période qui pourrait être remise rapidement en question.
Avantage stratégique discutable
Malgré l'avance considérable dont dispose Bombardier sur ses nouveaux concurrents Airbus et Boeing, d'autres concurrents notamment russe et chinois s'apprêtent eux aussi à envahir le marché des 150 sièges et moins. Le premier jet régional chinois l'ARJ21 vient tout juste de compléter avec succès sa seconde phase de test et est attendu sur le marché avec impatience par de nombreuses compagnies aériennes notamment asiatiques, mais aussi occidentales. Le premier vol commercial pour l'appareil 100 % chinois est prévue pour 2015, ce qui réduit à 2 ans la fameuse fenêtre de tir sur laquelle tablaient de nombreux analystes du secteur. Le second concurrent est le Sukhoï Superjet 100 dont le premier vol commercial est prévu pour la fin de cette année. Ce jet plus petit (moins de 100 sièges) concurrence déjà de plein fouet le CSeries enregistrant 86 commandes fermes dont une gagnée au détriment d'un bombardier CRJ-900 vieillissant.
L'avantage que tous les analystes évoquent risque finalement de ne jamais apparaître, la concurrence sur le ce segment étant bien plus importante qu'on ne le pense, les concurrents chinois et russes trop rapidement oubliés, mais néanmoins très actifs. Bombardier devra donc s'y faire, le marché émergeant du jet régional devra être partagé.
Un marché juteux pour l'aviation régionale
Le ciel est dégagé et les conditions de vol sont favorables pour le segment des appareils régionaux. En effet, toute une génération d'appareils va devoir être remplacée dans les prochaines années en raison de leurs âges trop élevés et de leurs coûts d'opération. Ainsi, la commande de la compagnie SWISS a été motivée par le souhait de remplacer ses Avro RJ100. On estime à 2,700 le nombre d'appareils similaires à celui-ci et qui devront être remplacés pour un marché global de près de 250 milliards de dollars. Marché qu'il faudra désormais partager avec de nouveaux entrants (ARJ21, Super Jet 100, mais aussi Mitshubishi). Il semblerait que jour après jour, Bombardier soit obligé d'intensifier ses efforts afin de vendre ses appareils sur un marché devenu hyper compétitif où la guerre des prix pourrait être, surtout en ce moment, dévastatrice !
Échec des négociations avec Qatar Airways
Annoncées au même moment que la signature du contrat avec Lufthansa, certainement pour minimiser l'importance de l'échec, les discussions entre Bombardier et Qatar airways sont au point mort. Les deux entreprises n'étant pas parvenues à un accord portant sur de nombreux points d'aspect techniques ou financiers. C'est une opportunité en or que manque Bombardier, Qatar airways qui place 2009 sous l'année de croissance majeures va devenir un acteur de premier plan dans le ciel mondial avec la nécessité d'acquérir des avions dernière génération.
Le ciel ne sourit pas au CSeries qui malgré son nombre important d'avantages techniques subit de plein fouet la crise, la rentabilité du programme risque d'être plus longue à obtenir que prévu. La concurrence semble avoir particulièrement été sous-évaluée et risque de causer de nombreux dégâts d'autant plus que les coûts de production d'un CSeries Canadiens face à un ARJ21 chinois ou un Super Jet 100 ne sont pas les mêmes. Espérons tout de même que ce bel oiseau prendra son envol rapidement.