Mercredi dernier, un lanceur russe Dniepr a mis en orbite six petits satellites (12 à 200kg) sur orbite basse. Le vol était assuré par l'opérateur national MKK Kosmotras, et a eu lieu depuis le cosmodrome de Baïkonour.
Les Dniepr sont d'anciens missiles balistiques R-36 (nom de code OTAN : SS-18 Satan) démilitarisés. Leur reconversion en lanceurs spatiaux civils relève d'une utilisation intelligente de stocks existants et devant être de toute façon détruits suite aux accords de désarmements.
Sur les six satellites de cette mission, trois étaient d'origine européenne. Deimos-1 et UK-DMC2 ont été construits par l'Anglais SSTL et rejoindront la constellation DMC de suivi des catastrophes naturelles. NanoSat-1B, quant à lui, est un satellite expérimental espagnol.
Ce n'est de loin pas la première fois qu'une myriade de microsatellites européens vole sur Dniepr, et on peut se demander s'il ne serait pas une bonne idée de disposer d'une capacité de lancement légère autonome.
Actuellement, il est possible de placer des petits satellites en charge additionnelle sur Ariane 5. Ainsi, le Vol 187 du début d'année avait emporté les deux SPIRALE de la DGA. De même, le NanoSat-1B mis en orbite avant-hier a un prédécesseur, NanoSat-01, qui a volé sur une Ariane 5G+ en décembre 2004.
Mais le lanceur lourd européen n'est pas adapté à de telles missions. A son bord, les microsatellites se retrouvent sur des orbites de transfert géostationnaires, alors qu'ils sont en général conçus pour évoluer en orbite basse. De plus, leur emport nécessite l'ajout de la structure ASAP, ce qui réduit d'autant plus la performance globale du lanceur.
Dans le passé, un projet de microlanceur avait vu le jour. Nommé Aldébaran, il consistait à utiliser un Rafale comme plate-forme de lancement. Ce concept a de nombreux avantages : il est simple à réaliser, peu coûteux tant en frais de développement qu'en production, et il offre une très grande souplesse opérationnelle.
Les lancements pourraient en effet être effectués de presque n'importe quelle base aérienne apte à recevoir le chasseur de Dassault, et ils ne demanderaient qu'un très court préavis, rien à voir avec une mission Ariane 5. Notons que les Russes ont un projet similaire, baptisé Ichim et utilisant le mythique MiG-31.
De même, une idée audacieuse avait été évoquée : reconvertir des missiles M-45 de EADS Astrium qui seront bientôt déclassés au profit des nouveaux M-51 en lanceurs spatiaux. Le Centre d'Essais des Lances gagnerait alors ses galons de base spatiale, et une fois encore l'Europe disposerait d'un petit lanceur peu coûteux et avec une forte disponibilité opérationnelle. Ça, c'est ce que les Russes font depuis une dizaine d'années avec le Dniepr.
Quand l'Europe s'est lancée dans la réalisation du projet de lanceur moyen VEGA, c'était sous une pression italienne motivée uniquement par la volonté de faire tourner l'industrie des lanceurs. Le besoin pour un lanceur de cette catégorie ne s'était pas fait clairement sentir - et c'est toujours le cas aujourd'hui.
Il serait peut-être bon, cette fois, d'avoir la démarche inverse. Il est clair que nous avons besoin d'un lanceur léger, comme le dernier lancement de Dniepr vient de nous le rappeler, et il paraîtrait naturel de lancer des projets pour répondre à ce besoin.
Mais de tels lanceurs sont totalement absents de la récente réflexion menée par des experts du spatial sur demande du Premier Ministre François Fillon, et ils ont donc extrêmement peu de chance de devenir une réalité. Il y a fort à parier que le Dniepr a encore de beaux jours devant lui...