Le 6 juillet dernier, l'Agence Spatiale Européenne a confié à EADS Astrium un contrat pour lancer une étude intitulée « Activités préparatoires européennes pour le transport et l'exploration habitée ».
Il s'agit d'une étude « Phase A » pour une évolution du vaisseau ATV baptisée ARV (Advanced Reentry Vehicle). Ce nouveau vaisseau, s'il est construit, permettra de ramener du fret depuis la Station Spatiale Internationale, ce qui constituera une première mondiale.
Mais surtout, ce serait le premier pas de l'Europe vers une capacité autonome de transport d'équipage. Cela fait plus de deux décennies que des projets se multiplient pour pallier ce manque, et Alain Charmeau, le président d'Astrium ST, avait déclaré à l'occasion du dernier salon du Bourget que « nous ne pouvons pas rester en dehors du vol habité pour toujours ».
Mais reste que l'ESA ne peut pas prendre ce genre de décision toute seule : il lui faut une impulsion politique. Justement, lors du dernier conseil ministériel de l'ESA, en novembre 2008, les Ministres européens chargés de l'Espace avaient débloqué 20,93 millions d'euros pour commencer à étudier l'ARV. C'est cette somme qui vient d'être reversée à Astrium pour l'étude Phase A, qui devra durer un an et demi.
Le but est d'arriver au prochain conseil ministériel, en 2011, avec un projet clair, budgété et bien défini dans le temps, afin de « forcer la main » aux politiques. Il faut dire que le projet sera tentant : il rassemble les vaisseaux ATV et ARD.
Le premier, on s'en rappelle, a effectué sa première mission l'année dernière avec un succès absolument phénoménal. Le second est une petite capsule, qui avait volé en 1998 sur la troisième Ariane 5, et qui constitue pour l'heure la seule expérience européenne de rentrée atmosphérique. En prenant le module de service de l'ATV, et en le surmontant d'un ARD, on obtient l'ARV !
S'il est décidé en 2011, il pourrait voler dès 2016, et ainsi apporter une solution au problème de la logistique de l'ISS qui se posera après le retrait de la flotte des navettes spatiales américaines. De plus, avec un vaisseau comme l'ARV, l'Europe sera à deux doigts de faire du vol habité. Il deviendra alors difficile pour les politiques de ne pas donner leur aval pour aller plus loin.
Cette étude ARV s'inscrit visiblement dans une stratégie de l'ESA visant à compenser le manque d'ambition politique européenne. Alors que ses prédécesseurs avaient tendance à se contenter d'attendre une décision, Jean-Jacques Dordain, ancien candidat astronaute et actuel directeur général de l'ESA, semble faire tout ce qui est en son pouvoir pour avancer, même sans le consentement politique adéquat.
Il avance pas à pas, rapprochant petit à petit l'Europe du vol habité, jusqu'au jour où celui-ci sera tellement proche qu'il semblera réellement idiot de ne pas l'autoriser. Espérons que d'ici là, les puissance spatiales « émergeantes » n'auront pas pris trop de longueurs d'avance.