Analyse – Nous revenions il y a quelques jours sur l’engagement du Japon dans le programme controversé du F-35 Joint Strike Fighter. Développé avec comme maître d’œuvre Lockheed Martin, le futur chasseur de cinquième génération américain devrait prendre les airs aux couleurs japonaises dans un avenir proche.
Cependant, les annonces se multiplient autour de la naissance du futur fleuron de l’aviation d’outre Atlantique. Dernièrement, la marine britannique a découvert que la version aéronavale du F-35 n’est tout simplement pas au point pour apponter sur ses porte-avions. De sérieuses modifications pourraient être nécessaires et pourraient une fois de plus gonfler significativement le prix de l’appareil. Une sacrée tuile pour une nation qui avait déjà fait le deuil de la version à décollage vertical et qui a pour cela déjà dû se séparer d'un porte-aéronef toujours en cours de construction.
Le Japon a donc fait le choix de partir sur le F-35 plutôt que sur une plateforme plus ancienne - mais plus opérationnelle - comme l’Eurofighter. Un choix que nous traitions il y a quelques jours et qui a suscité des réactions sur notre blog. Le F-35 est effectivement un avion plus polyvalent que le F-22, taillé pour la supériorité aérienne. Deux avions qui sur le papier, appartiennent à la même génération mais qui sont conçus pour des missions différentes avec un niveau technologique variant drastiquement. Le F-22 avait d’ailleurs intéressé le Japon, mais les Etats-Unis refusent son exportation, obligeant les Japonais à se rabattre sur ce qui est disponible. Ce refus aura par ailleurs tendu les relations entre les deux pays pendant un temps. Et nous ne nous risquerons pas une comparaison Rafale/F-35 basée sur des suppositions. Comme le soulignaient certains commentateurs du blog, l’un a fait ses preuves, l’autre non.
Le ministère de la défense japonais a par ailleurs soumis à l’acceptation du ministère des finances son budget pour 2012. Face à une augmentation importante de ses problématiques de sécurité locale, et aux leçons du séisme de 2011, le Japon souhaite développer une force de défense axée sur les problématiques suivantes : une capacité de dissuasion et de réponse la plus efficace possible, améliorer la stabilisation de son environnement sécuritaire en Asie-Pacifique et enfin améliorer son environnement sécuritaire global. Les capacités des Forces japonaises à faire face aux grandes catastrophes naturelles et aux risques nucléaires seront aussi une priorité évidente. Afin de répondre à ces priorités, le Japon devrait concentrer ses efforts sur les fonctions renseignement, surveillance et reconnaissance (ISR), patrouille maritime, défense anti-aérienne, réponse aux risques d’attaques balistiques, transport et C3 particulièrement dans ses régions du sud-ouest. Cependant, dans un contexte de restrictions budgétaires, le budget sera alloué avec parcimonie en fonction de ces priorités.
On pourrait croire que suite à l’achat des F-35, le Japon aurait un budget de la défense conséquent et pourtant, pour la 10ème année consécutive il sera en baisse. En 2012, il devrait perdre 0,14% ou encore 17,2 milliards de Yens pour un budget total de 4,64 billion. Cette réduction intervient alors que le Ministère de la Défense avait demandé une augmentation de 28,1 million de Yens, soit 0,6% par rapport au budget 2011. Afin de compenser ces pertes, le ministère pourrait réduire ses dépenses liées à la mise en service de son prochain porte-hélicoptères, le DDH24, qui ne bénéficierait plus que d’un budget de 115,5 milliards de Yens alors que son budget initial était de 119 milliards. Cependant, la JASDF ou armée de l’air japonaise officialise l’achat de quatre F-35A pour 2012 et un budget de 39,5 milliards de Yens en plus de deux simulateurs de vols et logiciels associés pour une enveloppe de 20,5 milliards de Yens. Les Marins pourront se consoler avec les 54,7 milliards de Yens déloqués pour l’acquisition d’un nouveau sous-marin de classe Soryu.
Au-delà de ces quelques achats, c’est toute la politique de participation japonaise à des programmes d’armement internationaux et d’exportation qui est en train d’évoluer. La puissante Nippon Keidanren saluait d’ailleurs récemment l’assouplissement d’une interdiction vieille de 40 ans d’exportation de matériels de défense japonais. Cependant, la participation d’industriels locaux dans des programmes internationaux reste encore assez peu claire. Une chose est sûre, ils voudront participer au F-35, mais dans quelle mesure cela se fera, nous ne le savons pas encore. Pour le moment, le gouvernement doit décider au cas par cas de l’implication de ses industriels nationaux dans de tels programmes. L’exportation de matériel de défense restera dans l'immédiat cantonnée aux opérations humanitaires et de maintien de la paix.
Une fois ces dernières incertitudes levées, les grands industriels japonais de la Défense se mettront certainement en branle afin de nouer des partenariats avec des acteurs mondiaux aux Etats-Unis ou en Europe. De grands noms pourraient alors se construire une certaine posture internationale comme Fuji Heavy Industries, Kawasaki Heavy Industries et Mitsubishi Heavy Industries. Le F-35 a-t-il eu au moins la chance d’ouvrir un peu plus un marché de la défense japonaise refermé sur lui-même depuis de longues années ? L’avenir le dira, mais espérons que l’Europe saura pour une fois s’engouffrer dans la brèche…