C'est en 2001 que la grande compagnie allemande Lufthansa va subir l'une des plus grande attaque informationnelle portée par des groupes de consommateurs dans le secteur de l'aérien. A ce jour, même si les compagnies aériennes font souvent l'objet de ce genre d'attaque, l'exemple de 2001 représente une avancée majeure dans la prise de conscience pour les compagnies du risque informationnel sur Internet. Retour sur une affaire qui aura fait couler beaucoup d'encre outre-rhin, la « Deportation Class » de Lufthansa.
Tout part à ce moment là du constat fait deux ans auparavant par des associations de défense des sans-papiers ou des droits de l'homme, ici le réseau " Kein mensch ist illegal " (aucun être humain n'est illégal, ce groupe comprend environ 200 associations antiracistes) et l'association " Libertad ! " : la compagnie nationale allemande participe aux opérations de reconduite aux frontières pour le compte du gouvernement allemand. Un véritable scandale pour ces associations qui vont alors organiser une campagne de destruction de l'image de marque de Lufthansa qui se révèlera par la suite très embarrassante pour la compagnie. L'image de marque, ce bien si précieux et sur lequel les allemands étaient si exposés. Un bien si fragile qu'une entreprise met pourtant des années à bâtir et qui peut être détruite en un clin d'œil. Point de départ de cette attaque informationnelle, le slogan de la compagnie : " Lufthansa, il n'existe pas de meilleur moyen de voler ".
Au menu concocté par les manifestants, une cybermanifestation de grande ampleur visant à paralyser les activités commerciales de la compagnie de manière à la rendre plus réceptive au message. La manifestation commença à une date clé, le 20 juin à 10h00 en même temps que l'Assemblée générale des actionnaires de Lufthansa qui se tenu à Cologne. « Les actionnaires n'aiment pas cela (les reconduites apportent une image négative à la compagnie) et le directoire de Lufthansa devra donc y réfléchir. Notre manifestation en ligne devrait les y aider ", déclara à l'époque Jan Hoffmann, ancien porte-parole de l'initiative.
Le but de la cybermanifestation était de bloquer le site internet de la Lufthansa par un bombardement d'e-mails ponctuel. A une heure et une date donnée, l'ensemble des participants au mouvement ont envoyé des emails à l'adresse Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. submergeant ainsi cette boite email. Un véritable logiciel de protestation a même était mis à disposition des manifestants de manière à multiplier efficacement l'envoi d'email. Il s'agissait également de multiplier les attaques de type DDOS dont le but est de multiplier les requêtes sur le site de réservation. Une telle opération ayant pour conséquence de faire planter le serveur de la compagnie. L'impact sur les ventes de billets est alors énorme et c'est sans reparler de l'impact sur l'image de marque. Cette technique exploitée à l'époque un vide juridique en Allemagne qui aujourd'hui considère le blocage organisé et prémédité d'un site Internet comme un acte illégale. Cependant, le bruit provoqué par une telle opération rend quasiment cette action légitime. Une légitimité acquise d'autant plus que l'action se base sur une croyance populaire (les expulsions c'est mal).
Lufthansa essaiera de répliquer en assurant aux associations que sa démarche n'est pas intéressée (47 millions de passagers ont voyagé avec cette compagnie en 2000) et découle tout simplement de la vente de billets à la police aux frontières. Ces billets achetés légalement ne peuvent souffrir d'un refus de la part de la compagnie. La compagnie se retrouvant alors dans l'obligation d'assurer le vol. La compagnie entamera une action en justice notamment contre les affiches distribuées par les associations mais seulement une (Hitler y jouait un rôle prédominant) sera interdite. De 30 000 étrangers expulsés d'Allemagne chaque année, on essaiera même de réduire ce chiffre à 10 000 mais en vain, les associations ne démordront pas et la vaine tentative de gestion de crise opérée par la Lufthansa échoua.
Cette cybermanifestation fait suite à un mouvement lancé depuis plus de deux ans, les militants manifestaient régulièrement devant les City Center, les bureaux de voyage de la Lufthansa, ou à l'aéroport de Francfort où s'effectuait la majorité des expulsions par voie aérienne. Les manifestants distribuaient des brochures aux couleurs de la compagnie pour présenter la nouvelle « Classe Déportation » qu'ils distribuaient massivement dans les aéroports, en uniforme de la compagnie. Par ailleurs, une campagne européenne, la " Deportation Alliance " a été créée en mars 2000 toujours pour stopper les déportations via des compagnies civiles grand public. L'impact sur l'image de marque des compagnies était alors énorme d'autant plus que le mouvement reçu de manière implicite le soutient des syndicats des personnels naviguant de la compagnie donnant ainsi encore plus de légitimité au mouvement.
Lufthansa, observant l'impact sur son image a fini par céder et les activistes ont obtenu l'arrêt des reconduites aux frontières par la compagnie sur des vols charters. A noter que des actions similaires sont en cours d'organisation contre la compagnie nationale française Air France. Ceci d'autant plus que les cotas de reconduites aux frontières ont étaient augmentés et subissent actuellement la foudre des associations comme de l'opinion publique.
http://www.youtube.com/watch?v=VDvFP9JbKdM
http://www.youtube.com/watch?v=q9GxWWlZ9ig